Depuis trop longtemps, la situation des personnes autistes en France est qualifiée de "dramatique" par les observateurs. Déjà, en 2003, la France est condamnée, à ce sujet, par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). En décembre 2007, le Comité consultatif national d'éthique parle quant à lui de"maltraitance".
Trouble envahissant du développement se manifestant avant l'âge de 3 ans, l'autisme peut prendre plusieurs formes ; ses manifestations varient considérablement d'une personne à l'autre. C'est la raison pour laquelle on parle davantage aujourd'hui de troubles du spectre autistiques (TSA). Les TSA sont larges et hétérogènes. Néanmoins, ils se caractérisent par une triade de trois troubles sévères et précoces qui affectent la communication, l'interaction sociale, le comportement (ou adaptation à l'environnement).
Il est établi par la Haute autorité de santé (HAS) qu'un enfant sur 150 naît autiste en France. Il y a dix ans, on estimait cette prévalence à une naissance sur 2 000. Ainsi, les troubles du spectre autistiques affecteraient 5 000 à 8 000 nouveau-nés par an et toucheraient plus de 450 000 personnes en France.
Malgré ces chiffres alarmants, l'autisme peine encore à obtenir, dans notre pays, l'attention et les moyens d'action à la hauteur de son ampleur. C'est pourquoi, nous estimons qu'il y a urgence à faire bénéficier l'autisme d'une plus forte mobilisation des médias, de l'opinion publique, de tous les services de l'Etat (éducation, santé publique, politiques sociales…), ainsi que des professionnels de santé. Devenu un enjeu majeur de santé publique, cette pathologie mérite que lui soit accordé le label "grande cause nationale 2011".
Certes, le plan autisme (de 2008 à 2010) a jeté les bases d'un véritable projet de vie pour les personnes autistes. Mais ses mesures peinent concrètement à être mises en œuvre de manière généralisée. La situation sur le terrain demeure si préoccupante que notre livre blanc suffit à peine à lister les doléances des centaines de milliers de familles concernées.
Il permet toutefois d'identifier clairement les cinq points de blocage qui, dans notre pays, freinent l'amélioration du sort des personnes autistes.
- Le diagnostic est encore trop tardif : alors qu'il peut être posé dès 2 ou 3 ans, il l'est en moyenne à 6 ans. Ce retard prive l'enfant de 3 à 4 années d'intervention ciblée à un âge ou sa plasticité cérébrale lui permet, avec un accompagnement approprié, de "combler" en partie les déficiences de son cerveau et d'accomplir ainsi de grands progrès qui lui resteront acquis. A contrario, si sa prise en charge tarde, le trouble "envahit" les différentes sphères de son développement, installe des comportements inadaptés, accentue les déficiences et retarde l'accès aux apprentissages. Un enfant autiste qui n'avance pas ne stagne pas ; il régresse.
- Le développement des prises en charge précoces et adaptées reste insuffisant. Les thérapies éducatives et/ou comportementales (TEACCH, ABA, PECS…), spécialement conçues pour les personnes autistes, reconnues pour leur pertinence et largement utilisées dans le monde occidental, peinent à s'imposer et se développer en France faute d'un plan de formation universitaire pour les accompagnants et de financement du suivi éducatif. Cette carence en formation pénalise la généralisation de l'accès à ces thérapies pourtant extrêmement efficaces, susceptibles de réduire les difficultés cognitives et comportementales des personnes autistes et de favoriser leur épanouissement avec une véritable perspective de vie.
- L'accès à l'école "ordinaire" établi par la loi du 11 février 2005 reste virtuel pour la plupart des enfants autistes : des dizaines de milliers d'enfants sont privés de leur droit à l'éducation. Trop de préjugés à l'entrée des écoles et une organisation qui peine à accepter la différence et la diversité dans les classes font de leur intégration un vœu pieu. Pour que les portes de l'école s'ouvrent aux enfants autistes, les mentalités doivent changer en même temps que doivent être repensées les modalités d'accompagnement.
- Les adultes autistes, quant à eux, vivent encore, pour beaucoup, des situations tragiques. Certes, le plan autisme a permis la création d'une centaine de centres d'accueil innovants, d'une capacité d'accueil de 2 500 places. Effort salutaire mais hélas insuffisant. Souvent sans diagnostic ou avec des diagnostics erronés (psychose, schizophrénie), de nombreux adultes continuent de subir une psychiatrisation abusive et une camisole chimique qui les dégradent. Autre alternative encore trop répandue : rester à la charge de leurs parents, contraints d'organiser leur quotidien autour d'eux, dans un isolement et une détresse absolus. Pourtant, les adultes autistes peuvent apprendre, progresser et s'autonomiser tout au long de leur vie. Ils ont droit à un accompagnement digne de ce nom, et à un déploiement de stratégies identiques à celui développé chez les enfants.
- Aucun consensus sur les axes de recherche n'existe à ce jour sur l'identification de causes de l'autisme. A l'heure actuelle, les parents d'un enfant autiste savent que le cerveau de leur enfant ne se développe pas bien mais ignorent tout des causes de ce dysfonctionnement neuro-développemental. Ces causes sont pressenties génétiques, épigénétiques, neurobiologiques, bactériologiques, environnementales… Pour autant, des investigations scientifiques comparatives sur des critères déterminés à l'avance sont insuffisamment développées. Si l'on ne guérit pas encore de l'autisme, c'est principalement parce qu'on n'en connaît pas les causes.
C'est autour de ces enjeux fondamentaux que cinq grandes fédérations nationales de personnes autistes (représentant plus de 20 000 familles), Asperger aide France, Autisme France, Autistes sans frontières, Fédération sésame autisme, Pro aid autisme se réunissent aujourd'hui au sein du Collectif Autisme, inédit en France.
La France, terre des droits de l'homme, doit prendre en compte les plus fragiles. Faire de l'autisme la "grande cause nationale 2011" permettrait de renforcer la dynamique du plan Autisme du gouvernement, d'initier un nouvel élan, devenu vital, afin de corriger la grande injustice de ces laissés-pour-compte et de leurs familles. Il y a urgence.
(Source : Le Monde)
(Source : Le Monde)
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